Sicile: Villages Perchés


Noble beauté décatie

Pas grand monde ne s’intéresse aux terres intérieures de la Sicile. Nous n’y avons pas croisé beaucoup de visiteurs cet été ; même les habitants ont déserté les lieux. Cet espace de collines ne pèse que 38 pages des 432 que compte mon guide de voyage alors qu’il constitue 60% du territoire de l’île … 86% si on y ajoute les montagnes. J’ai été fasciné par ces villages perchés qui bordent le massif des Madonies à ma première lecture du guide. Je me suis dit qu’il fallait que j’aille photographier ces petites cités à flanc de colline, ces gros bourgs perchés sur des éperons rocheux desquels, par temps clair, on peut voir l’Etna au loin.

Je me demandais bien comment j’allais pouvoir rendre justice à la beauté et à la noblesse de ces paysages. Cette question m’a occupé plusieurs semaines, jusqu’au jour où je suis allé acheter un drone avec mon fils Nathan, peu avant le départ. Nathan avait exploré les plaines inondables du Kasaï avec son drone de travail et ramené des clichés “stylei”, comme il dit. Nous allions donc survoler ces villages perchés comme des aigles frôlant le relief et tournoyant au-dessus de leur proie … ou plutôt comme Nausicaa dans la Vallée du Vent.

Je ne dirais pas que les paysages de collines en Sicile sont bucoliques, en tout cas pas en été. Il leur manque la verdure, la grasse opulence qu’apporte l’eau en abondance. Les petits bourgs ne sont pas lovés au creux des vallées, ils se dressent sur les hauteurs du relief fiers et rustres. En Sicile, le minéral domine, il relègue le végétal à la figuration. C’est encore plus prégnant vu du ciel. Les constructions des hommes ne rééquilibrent pas la balance. De là-haut, au-dessus de Gangi ou de Prizzi, on ne distingue que pierres, tuiles et pavés. Tout est rectiligne, emboitement infini de petits cubes de dimensions différentes. Seul le tracé des ruelles vient creuser quelques sillons courbés dans ce qui apparait comme une maquette au style cubiste.

On ne distingue pas les hommes sur mes photos. Trop haut bien sûr … ou alors ils sont partis, se protègent du soleil … ou d’autres fléaux, d’autres menaces. “Il faut que tout change pour que rien ne change” nous dit le Prince Salinas dans le Guépard : grandeur et décadence des êtres et des sociétés, permanence de la nature et de la nature humaine. C’est certainement vrai en Sicile, contrée tragique d’une immense beauté mais où le progrès social et le bien-être humain se trouvent entravés.

Petralia Sottana
Polizzi Generosa
Castelbuono
Isnello
Gangi
Geraci Siculo
Prizzi





Recent Portfolios