Cuba


J’ai vécu à La Havane de 1998 à 2001

J’ai vécu à La Havane de 1998 à 2001. Ville mythique elle a ouvert en moi un imaginaire démesuré et nourri une source inépuisable de poésie. Rare sont les lieux à la hauteur de l’idée que l’on s’en fait. Je garde de ces années à Cuba une douce nostalgie. La Havane pour moi c’est Alexandrie dans le célèbre Quatuor de Lawrence Durrell: “Pas à pas sur le chemin du souvenir, je reviens vers la ville où nos vies se sont mêlées et défaites, la ville qui se servit de nous, la ville dont nous étions la flore, la ville qui jeta en nous des conflits qui étaient les siens et que nous imaginions être les nôtres ; bien aimée Alexandrie ! Il a fallu que je vienne si loin pour comprendre tout cela !”
La ville est usée jusqu’à la corde mais sa splendeur passée apparaît à tous les coins de rue. Les immeubles luttent contre les embruns marins, le soleil de plomb, les assauts des tempêtes tropicales et l’absence de soin faute de moyens. Ici on résiste, on lutte, on vainc, la révolution triomphe mais tout est figé dans les années 50 … immense parc d’attraction vintage.
Il y a quelque chose de tragique dans la beauté surannée de La Havane car elle est là au détriment de ses habitants, par la volonté d’un système qui a anéanti leur désir et leur volonté de construire ensemble un avenir différent.

A Cuba il y a la lumière de fin de journée, les ciels tourmentés qui précèdent l’aguacero (l’orage tropical), et l’atmosphère mystérieuse qui lui fait suite quand la pluie s’arrête et que l’eau se met immédiatement à remonter vers le ciel. Il y a aussi, au détour d’un virage ou au beau milieu d’une vallée, les plantations de tabac et leurs feuilles mises à sécher bien alignées, de petits hameaux de huttes entourées de bananiers, un palmier qui a poussé dans un baobab … des ponts qui n’enjambent rien du tout, des usines de production de nickel.
A Cuba les enfants jouent dans la rue. Ils sourient beaucoup. Les ados sont amoureux. Les vieux racontent des histoires de la grande époque. Les familles garent leur voiture sur la plage et boivent du rhum debout dans la mer avec de l’eau jusqu’au torse. Les gâteaux d’anniversaire sont roses et bleus fluo, comme en Chine. Tout le monde allume sa télé, à tue-tête, pour que les voisins entendent qu’on est à l’écoute du discours du Commandante … en fait personne n’écoute et il se dit que c’est le moment idéal pour l’Amour. Tout le monde est plein d’humour et adore se faire photographier.
J’ai quitté le vingtième siècle et je suis entré dans le second millénaire à La Havane et tout cela a énormément compté pour moi.






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